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Première lecture des théorèmes d’incomplétude

Premier théorème. Si T est une théorie consistante et récursive contenant l’arithmétique, alors il existe des formules indécidables, i.e. T est incomplète.

Toute théorie construite par une activité humaine est récursive. En effet, pouvoir repérer les axiomes de la théorie est la moindre des choses ! De plus, toute théorie digne de ce nom doit être consistante (on adopte donc le principe de non-contradiction). Rappelons-nous qu’en logique classique, si une théorie est inconsistante, i.e. contradictoire, alors toute formule, sans exception, est démontrable. Dans une telle théorie, il ne serait plus possible de distinguer les vérités des faussetés. Cette situation inacceptable est illustrée par l’anecdote (à l’authenticité incertaine) sur Bertrand Russell.

Anecdote. Lors d’un cours de logique, Bertrand Russell était en train d’expliquer le fait que tout est démontrable à partir d’une contradiction lorsqu’un étudiant l’interrompit :
– Dans ce cas, en supposant que 2+2=5, pourriez-vous démontrer que vous êtes le Pape ?
– Rien de plus simple, répondit Russell. Soustrayez 2 des membres de l’égalité, vous obtenez 2=3. Permutez les membres et soustrayez encore 1, vous obtenez 2=1. Le Pape et moi sommes deux, or deux est égal à un. Par conséquent, je suis le Pape.

Les hypothèses de consistance et de récursivité sont donc naturelles et très générales. Enfin, l’hypothèse que la théorie doit contenir l’arithmétique signifie seulement que l’on souhaite avoir une théorie capable de produire au moins des résultats mathématiques simples, tels que les opérations élémentaires entre les nombres naturels. Une théorie satisfaisant ces hypothèses sera dite « convenable ».

La conclusion est d’autant plus surprenante : aucune théorie « convenable » n’est capable de démontrer l’entièreté des formules écrites dans son propre langage.

Il y a cependant des conclusions hâtives à ne pas tirer de ce premier théorème. Cette question sera abordée dans la prochaine section.

Second théorème. Si T est une théorie consistante et récursive contenant l’arithmétique, alors on peut écrire dans le langage de T une formule Cons dont la signification intuitive est « T est consistante » et telle que Cons n’est pas démontrable.

Non content de nous avoir secoués avec son premier théorème, Gödel revient à la charge en disant, cette fois, qu’aucune théorie consistante « convenable » n’est capable de démontrer sa propre consistance ! Ce théorème peut se reformuler par sa contraposée :

Si T est une théorie récursive, contenant l’arithmétique et capable de démontrer au sein d’elle-même sa propre consistance, alors T est inconsistante.

Cette formulation est certainement troublante. En effet, elle s’applique à la théorie des ensembles ZF qui, rappelons-le, formalise la totalité des mathématiques. On ignore actuellement si ZF est consistante mais on sait que si, un jour, on pouvait démontrer sa consistance par ses propres outils, c’est qu’elle est inconsistante. On en vient presque à exprimer le désir de ne jamais être sûr de la consistance de ZF si on veut préserver une chance qu’elle soit consistante !

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