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L’intuition en quatre étapes

C’est pendant que vous essayez de comprendre et que vous ne trouvez pas, que vous faites le trou. [Alain Connes]

Cette curieuse phrase qu’Alain Connes a prononcée lors d’un entretien pour la chaîne Arte décrit en fait le premier stade dans le processus qui mène à une intuition.

Tout d’abord, le mathématicien est confronté à une question qu’il va essayer de résoudre consciemment. Supposons que la question soit extrêmement ardue, à un point tel que malgré tous ses efforts et ses approches différentes, le mathématicien ne voit aucune piste sur laquelle se lancer.

À ce stade, à défaut de cerner la solution, on pourrait dire que le mathématicien a acquis, non sans mal, une bonne compréhension du problème. C’est l’étape qu’Hadamard appelle la préparation, durant laquelle le mathématicien se fidélise au problème. En général, il faut au moins quelques jours d’efforts intenses et infructueux pour que l’on puisse parler de préparation. (Le « trou » dont parle Alain Connes, c’est celui que l’on creuse dans le mur des obstacles, pour atteindre la solution qui se trouve derrière.)

La seconde étape vient naturellement lorsque le mathématicien déclare forfait et abandonne provisoirement le problème. Il tourne alors son esprit vers d’autres occupations et intérêts. Cependant, son inconscient va prendre le relais et continuer ses investigations sur la question. Libéré ainsi de la pression qui pesait sur le conscient, l’inconscient peut travailler dans une plus grande liberté et explorer un plus grand éventail de pistes. Suivant Hadamard, c’est l’étape de l’incubation.

On pourrait prendre comme métaphore celle d’un archéologue qui cherche un hiéroglyphe précis sur un énorme mur couvert de symboles. Imaginons qu’il soit dans le noir et doive s’aider d’une lampe de poche dont il peut régler la taille du faisceau. Le travail conscient correspondrait à chercher le hiéroglyphe avec un faisceau intense, mais très concentré de sorte qu’il ne couvre qu’une petite zone du mur à la fois. Un tel travail est précis mais très lent.

Lors de l’incubation, le travail de l’inconscient correspondrait à utiliser un faisceau plus diffus (qui, dans l’obscurité, rendrait les symboles moins distincts), mais qui couvre une plus grande zone. Il est alors possible d’apercevoir plus rapidement, moyennant une certaine imprécision, le hiéroglyphe recherché.

Archimède

Si cela se produit, l’inconscient communique sa trouvaille au conscient par le biais d’une illumination subite : c’est la troisième étape. Il suffit alors de reprendre sa lampe avec un faisceau que l’on concentre cette fois sur la nouvelle piste. C’est l’étape de la vérification consciente de la piste obtenue par intuition.

Résumons brièvement les quatres étapes qui interviennent dans le processus de l’intuition :

  • le mathématicien sèche sur la question : c’est la préparation,
  • il laisse le problème et s’adonne à d’autres activités tandis que son inconscient prend le relais : c’est l’incubation,
  • l’inconscient trouve une piste prometteuse et la communique subitement au conscient : c’est l’illumination,
  • le mathématicien explore (par acquis de conscience) la piste intuitive qu’il vient d’obtenir, c’est la vérification.

Cependant, une question demeure : que fait exactement l’inconscient durant l’incubation ?

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