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La querelle sur le réalisme de l’héliocentrisme

Georg Joachim Rheticus (1514-1576), après avoir passé deux ans à étudier avec Copernic, devient son premier partisan et publie un ouvrage intitulé Narratio Prima, dans lequel il présente et défend les idées de son maître. Ce dernier les publiera à son tour en 1542 dans son célèbre De Revolutionibus Orbium Coelestium.

Il y avait en fait deux versions de cet ouvrage : la version officielle publiée et la version personnelle, dédicacée au Pape Paul III. La première contient un avant-propos assez particulier rédigé par Andreas Osiander (1498-1592). Il y présente d’abord l’accueil réservé du public :

De Revolutionibus
1543
Avant Propos d’Osiander

Il y a déjà eu des rapports largement répandus à propos des hypothèses de ce travail qui déclare que la terre se meut et que le soleil est immobile au centre de l’univers. Ainsi, certains étudiants, j’en suis certain, sont profondément choqués et prétendent que les arts libéraux qui étaient établis depuis longtemps sur des bases solides ne devraient pas être mis en doute.

Osiander va-t-il ensuite déclarer que cet accueil hostile est injustifié ? La réponse étonnante est non. En effet, il décrit le travail d’un astronome comme étant une recherche d’hypothèses en vue de réussir des calculs en accord avec l’observation. Le rôle de ces hypothèses n’est pas d’expliquer réellement le monde, mais bien de servir à des calculs corrects.

Car ces hypothèses ne doivent pas être vraies ni même probables. Au contraire, si elles permettent des calculs en accord avec les observations cela suffit.

Ainsi, Osiander déclare que la théorie héliocentrique ne représente pas la réalité du monde, elle n’est qu’un artifice pratique permettant de faciliter les calculs ! Il prétend donc que la théorie héliocentrique est à recevoir dans un cadre purement instrumentaliste.

Il est possible qu’Osiander ait rédigé un tel avant-propos dans le but de protéger Copernic. Il ne fait pas de doute que pour ce dernier, sa théorie est une représentation fidèle du monde. En effet, dans sa propre préface dédicacée au Pape, Copernic écrit :

Préface de Copernic

Je peux déjà imaginer, Saint-Père, que dès que certaines personnes entendront que dans ce livre que j’ai écrit (…), j’attribue un certain mouvement au globe terrestre, elles crieront que je dois être immédiatement désavoué en même temps que cette opinion. Car je ne suis pas entiché de mes propres opinions au point de dénigrer ce que d’autres peuvent en penser.

Il était donc bel et bien au courant des risques impliqués par sa théorie. Malgré cela, il affirme fermement sa position :

Je suis conscient de ce que les idées d’un philosophe ne sont pas soumises au jugement du commun des mortels car il est de son devoir de rechercher la vérité dans toutes choses jusqu’aux limites imposées par Dieu à la raison humaine.

Ainsi, conscient des réticences du public, Copernic se donne malgré tout pour devoir de maintenir sa position qu’il estime vraie. Il s’agit là d’une attitude entièrement réaliste : pour Copernic, le système des planètes est réellement héliocentrique.

L’avant-propos d’Osiander et la préface de Copernic préfigurent la querelle sur le réalisme de l’héliocentrisme qui fera rage pendant plus d’un siècle.

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