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Crise et révolution

Cependant, il est possible qu’une énigme résiste aux tentatives de résolution. Dans ce cas, un ou plusieurs scientifiques peuvent commencer à se poser des questions sur la validité de leur paradigme. Il s’instaure un état de doute qui va éventuellement rassembler de plus en plus de scientifiques autour de l’énigme (devenue « anomalie »).

Si l’anomalie perdure, elle peut finir par provoquer un état de crise : la majorité des scientifiques perdent confiance en leur paradigme. Certains d’entre eux tenteront de le sauver, mais d’autres choisiront de faire le pari risqué de se lancer dans l’élaboration d’un nouveau paradigme destiné à remplacer l’ancien.

Il se constitue alors un nouveau paradigme concurrent. Si ce dernier finit par convertir la majorité des scientifiques, il se produit ce que Kuhn appelle une « révolution » : il s’agit du passage violent d’un paradigme à un autre. Débute alors une nouvelle période de science « normale », inscrite cette fois dans le nouveau paradigme.

Exemple : Les exemples classiques cités par Kuhn sont le passage, en astronomie, de la vision géocentrique de Ptolémée à la vision héliocentrique de Copernic, ou encore le passage de la mécanique de Newton à la mécanique relativiste d’Einstein.

Incommensurabilité

Lors d’une période de crise, existe-t-il des critères rationnels (logiques) ou expérimentaux permettant de départager les paradigmes concurrents ? La réponse de Kuhn est négative. La plupart du temps, deux paradigmes différents reposent sur des conceptions théoriques incompatibles, au point que ce qui a de sens pour l’un est absurde pour l’autre, et vice-versa. Par conséquent, il est impossible de comparer rationnellement, ou objectivement, deux paradigmes. Kuhn dit alors qu’ils sont « incommensurables ».

De plus, comme les phénomènes sont interprétés en fonction du paradigme dans lequel on se trouve, il n’existe pas d’expérience objective (ou méta-paradigmatique) permettant de comparer la validité de deux paradigmes différents.

Il n’y a donc aucune méthodologie possible. Lors d’une révolution, le choix du nouveau paradigme à adopter est déterminé, en dernière analyse, par les valeurs et les intérêts de la communauté scientifique dominante. Pour comprendre un changement de paradigme, il est nécessaire d’étudier le contexte psychologique et sociologique de l’époque.

Kuhn précise même : « Il n’y a pas d’autorité supérieure à l’assentiment du groupe concerné. » Ainsi, il considère qu’il n’y a pas de différence essentielle entre une révolution scientifique et une révolution politique : il s’agit avant tout d’une affaire sociale. Cette vision « sociale » de la science est connue sous le nom de « relativisme scientifique ». La vision opposée est le « rationalisme », défendu notamment par Karl Popper et Imre Lakatos.

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