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Critique du relativisme scientifique

Malgré que Kuhn nie être relativiste, sa pensée a néanmoins jeté les bases de ce qui est devenu le relativisme scientifique. Dans cette section, je présente une série de critiques envers le relativisme en général, et les interprétations radicales que l’on peut faire de la pensée de Kuhn en particulier.

Critique 1. L’idée selon laquelle l’interprétation d’un phénomène dépend entièrement du paradigme est trop radicale pour être juste.

Exemple : On a du mal à imaginer que si l’on donnait une roche lunaire à Aristote, ce dernier ne verrait pas en elle des caractéristiques identiques à une roche terrestre (au sens où la roche lunaire tombe comme n’importe quel caillou terrestre). Une telle expérience le pousserait inévitablement à revoir sa théorie sur la gravitation. Cette expérience ne peut pas être une anomalie au sein du paradigme aristotélicien, étant donné que les anomalies sont, à l’origine, des énigmes posées par le paradigme lui-même, et ce dernier n’aurait jamais proposé de faire des expériences sur des roches lunaires.

Il est vrai qu’une expérience s’inscrit toujours dans le cadre d’une théorie existante, mais cette dernière ne détermine pas entièrement l’issue de l’expérience. Autrement dit, la théorie est nécessaire mais pas suffisante à l’expérience, et il existe vraisemblablement des expériences dont le résultat est (partiellement) extérieur aux paradigmes.

Critique 2. L’argument présenté ici est celui de l’« auto-réfutation ». On peut considérer d’une part le scientifique qui étudie la nature (tant bien que mal), et d’autre part l’historien (ou le sociologue) qui étudie la science.

Scientifique → Nature

Historien → Science

Remarquons que les méthodes de l’historien sont essentiellement rationnelles et s’inspirent des méthodes scientifiques : recherche de documents, analyses, comparaisons, hypothèses, etc. Si les théories scientifiques ne sont vraies qu’au sein du paradigme en vigueur (position relativiste), pour quelle raison une théorie de l’historien serait-elle vraie dans l’absolu ? Si on adopte une vision relativiste de la science, alors on doit aussi l’adopter pour l’histoire des sciences, ce qui réfute directement la pertinence de la vision relativiste.

 
 
 

Références :

  • CHALMERS, Alan F., Qu’est-ce que la science ?, Paris : La Découverte, 1987.
  • KUHN, Thomas S., La Structure des révolutions scientifiques, Paris : Flammarion (Champs), 1999 [1962].
  • SOKAL, Alan, BRICMONT, Jean, Impostures intellectuelles, Paris : Odile Jacob, 1997.

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