Gros plan sur le sinus
Le 1 novembre 2006 par Sephi, dans Mathématiques
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L’apparition du concept chez Aryabhata
Aryabatha s’intéressait au problème de calculer, dans un triangle rectangle, la longueur d’un côté adjacent à l’angle droit en connaissant l’angle opposé
et un autre côté L :
Or il était connu, depuis Euclide2, que le milieu du côté L est aussi le centre du cercle circonscrit au triangle. Si on trace un angle 2 au centre d’un cercle de rayon quelconque
, et qu’on en tire le triangle inscrit DEF comme ci-dessous :
on a que DEF est semblable au triangle ABC de la première figure. On en déduit3 la relation :
ou encore :
Aryabatha va mettre l’accent sur la quantité
qui n’est autre que notre sinus actuel si = 1. Cependant, il choisit une autre valeur pour le rayon. Le cercle chez Aryabatha est divisé en 360 x 60 = 21600 arcs de 1′, qu’il prend comme unité de longueur. On a :
2 = 21600
où = 3,1416 chez Aryabatha, comme on l’a vu précédemment. Ceci nous donne la valeur approximative du rayon utilisé :
= 3438. Il faudra attendre le 10e siècle pour que le mathématicien perse Abul Wafa décide d’utiliser un cercle de rayon 1, ce qui donnera la version définitive du sinus (et de ses quantités dérivées comme le cosinus et la tangente).
Étymologie du mot sinus
La longueur associée à un angle est donc la demi-corde du double de l’angle. Aryabatha désigne cette quantité par ardha-jya, qui signifie « demi-corde ». Cette expression est raccourcie pour devenir simplement jya.
Vient ensuite l’invasion de l’Inde par les musulmans. Découvrant l’oeuvre d’Aryabatha, les arabes s’empressent de le traduire dans leur langue. Le terme jya est donc traduit phonétiquement en arabe pour devenir jiba, un mot sans signification. Or, l’arabe étant une langue sémitique4, ce mot est écrit jb. Il sera alors confondu avec le mot jaib qui, lui, signifie « poche ».
Vers l’an 1150, Gérard de Crémone traduit jaib par sinus qui signifie « pli » ou « creux ». En effet, les toges romaines étaient formées d’un grand drap que l’on ajustait autour du corps de façon à former un pli sous le bras droit. Ce pli est précisément le sinus de la toge et jouait le rôle d’une poche (un creux dans lequel on pouvait placer de petits objets). C’est pour cette raison que le mot sinus est utilisé pour traduire jaib.
- Corollaire de la proposition 5, dans le livre IV des éléments d’Euclide. Diogène Laërce attribue d’ailleurs cette proposition à Thalès, dont l’oeuvre a été reprise chez Euclide. [↩]
- Les rapports de longueurs entre des triangles semblables étaient déjà connus depuis les grecs. On attribue souvent ce résultat à Thalès, bien que rien n’indique clairement qu’il en est l’auteur. Notons que dans les pays anglophones, le « théorème de Thalès » concerne plutôt l’inscription d’un triangle rectangle dans un cercle, résultat bel et bien attribué à Thalès. [↩]
- Une langue sémitique ne s’écrit qu’avec des consonnes. Pour savoir quelles voyelles ajouter dans un mot afin de le rendre prononçable, il faut se baser sur le contexte de la discussion. [↩]